La triste réalité de ces enfants à la rue, livrés à eux-mêmes, qui deviennent vulnérables, sont une proie facile à toute forme d'exploitation, prostitution, enlèvement et pédophilie.
«Plus de 11.000 enfants sans abris ont été recensés en 2012», a affirmé, jeudi dernier à Alger, la ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition féminine, Mme Souad Bendjaballah. Cette situation doit interpeller, aussi bien l'Etat que la société civile pour réagir, surtout que le dossier de l'enfance a fait couler beaucoup d'encre dernièrement. A une question sur le phénomène de mendicité, posée par le député du FLN, M.Noureddine Belmedah, lors d'une séance plénière de l'Assemblée populaire nationale (APN), la ministre a souligné que «11.269 enfants sans abris ont été recensés en 2012, dont 26 lors de patrouilles nocturnes des brigades mobiles relevant des directions de l'action sociale de la wilaya. Durant l'hiver 2013, le ministère a enregistré près de 4000 enfants sans abris, dont 150, dont la prise en charge est assurée par les centres spécialisés relevant du secteur». Une procédure ministérielle qui formule «l'examen de la situation sociale, sanitaire et psychologique de ces personnes au cas par cas, en vue de prendre toutes les mesures nécessaires en termes d'accompagnement, notamment en ce qui à trait à la formation ou à l'emploi et ce, en fonction de leurs capacités et compétences», a précisé Mme la ministre
.
Par ailleurs, le ministère oeuvre à la réinsertion familiale de ces personnes ayant perdu contact avec leurs proches, en raison de conflits familiaux ou autre raison sociale. Evoquant le
phénomène de mendicité, ces enfants qui deviennent progressivement apeurés, affamés et isolés, sont les plus exposés aux maladies chroniques, aux troubles émotionnels, ainsi qu'à la faim et à
la malnutrition. Une proie facile à toute forme d'exploitation, comme la prostitution, l'enlèvement et la pédophilie. La ministre a précisé, en outre, qu'il «n'existe pas de chiffres sur les
cas de mendicité en Algérie», estimant que ce phénomène n'était pas très répandu. Les facteurs de la mendicité sont multiples, a-t-elle indiqué, citant des raisons sociales comme la pauvreté,
la dislocation familiale et le divorce, et certaines situations difficiles, comme le cas des mères célibataires. La mendicité constitue également un moyen de gain facile pour certains, a-t-elle
ajouté. «En 2012, le ministère a assuré la prise en charge de 2032 enfants en danger moral au niveau de ces centres spécialisés», a-t-elle indiqué. Enfin, la ministre a souligné la nécessité de
conjuguer les efforts de toutes les instances concernées, y compris les autorités locales et le mouvement associatif, ainsi que les élus locaux dans le cadre des opérations de sensibilisation
et de prise en charge, insistant sur l'impératif de la réinsertion familiale de cette catégorie d'enfants. Autrement dit, si la loi assure des droits fondamentaux et une protection aux enfants
algériens, la réalité est bien loin d'être vraie, les diverses difficultés que rencontre l'enfant au quotidien comme la pauvreté, la violence et les maltraitances ou encore la non-scolarisation
et l'accès aux soins de manière générale, restent une grande problématique, en particulier pour les enfants nés sous x ou pour les enfants livrés à eux-mêmes. Pour sa part, le président du
réseau national pour la défense des droits de l'enfant (Nada), Abderrahmane Aârar, appelle à la protection des enfants, considérant que l'absence d'une assistance familiale est un grand
problème dans la société algérienne.
Publié le 10/03/2013 07:02
Sur les murs du libre-service, il y a des coloriages d'enfants. Naïve corne d'abondance qui déverse une opulence de fraises et de cerises bien rouges, de haricots verts vigoureusement crayonnés au feutre. Mais ce sont les «prix» que regarde surtout cette dame âgée. La symbolique «participation à la solidarité» que demande le Secours populaire, en fait… Confiture ? 0,20€. «Un pot par famille». Cannellonis ? 0,20€. «Une boîte par personne». Endives, 0,50€… Devant le rayon des légumes, son portable sonne. Elle décroche. «Je suis au Populaire, rappelle…», souffle-t-elle, gênée. Laissant à l'interlocuteur le soin d'ajouter «Secours».
Elle a la soixantaine passée. Défraîchi, le manteau autrefois chic dégage des fragrances de violette fanée. Faire ses courses à l'aide alimentaire reste une sortie. Elle s'est pomponnée. La dignité, c'est aussi refuser d'ajouter le négligé à l'usure, ne pas capituler sur l'idée d'une petite beauté. à la caisse, la bénévole du libre-service calcule le total. Elle range pâtes, lait, œufs, yaourts, oranges et paye. «T'en as pour combien ?» l'interrogent deux copines assises plus loin à l'attendre. «32,65 €, je crois…». «ça fait beaucoup», jauge l'une, expérimentée. Elle blêmit. Murmure «pas l'habitude, ici». Elles auscultent le panier et sa monnaie. Soulagement. Plutôt 10 euros, en fait. Son regard reste perdu. Retraitée, elle était décoratrice. «Mon mari est parti, mes enfants aussi. Je n'y arrive plus… mais je ne veux pas en parler».
«Oui, c'est gênant, gênant…» confirme Marie, 67 ans, qui, elle, s'est inscrite il y a trois mois «parce que la mère d'une voisine m'a dit que j'y avais droit». Elle était cuisinière. «Mais même divorcée avec un enfant, j'y arrivais quand je travaillais». Seulement à 55 ans, elle est tombée en longue maladie. Deux pontages et cinq années plus tard, sa retraite s'est retrouvée amputée d'autant. «Une fois tout payé me restent 270 € pour vivre et l'année a commencé avec une hausse de 6 € du loyer et de 4 € de la mutuelle». 10 € : pas rien pour elle qui recompte les quatre pièces de 10 cents pour arriver aux 3,40 € de son panier. «Du lait, du pain, des lasagnes, une tarte trois fromages, deux boîtes d'endives et j'ai pu prendre deux boîtes de salsifis car ils ne partent pas», énumère Marie.
La première fois qu'elle a osé pousser la porte du Secours Populaire ? «J'étais désemparée. Heureusement qu'on m'a prise par la main, sinon je serais repartie parce que j'avais honte. Et puis maintenant, je vois ici beaucoup de gens que je connaissais, de plus en plus de retraités, comme moi. Des gens que je suis étonnée de trouver là, et je me dis que je ne suis pas un cas isolé. Il y a toujours des nouvelles têtes, de mon âge, et des jeunes», explique-t-elle prenant l'exemple de son immeuble où «il y a de plus en plus de femmes seules, aussi, avec des enfants».
«Tout ce qui est humain est nôtre» rappelle une affiche du Secours Populaire, dans l'espace culture, en face, où romans et vieux classiques Garnier revendiquent encore le droit à l'humanisme et aux humanités pour tous. Des vieux vinyles aux pochettes craquelées sont là aussi. Adamo, Bach, Coluche. «Le plus difficile, c'était la fin du mois, surtout les 30 derniers jours»… racontait ce dernier dans «L'étudiant». Sketch que le fondateur des Restaurants du Cœur disait à l'imparfait, comme un souvenir révolu, il y a 30 ans. Aujourd'hui ? «L'étudiant fait partie de ces nouveaux bénéficiaires qui se multiplient, avec les retraités et les travailleurs pauvres», constate Michèle Gouazé, secrétaire départementale du Secours Populaire des Hautes-Pyrénées, débordé de nouvelles demandes à l'instar des Resto, de la Croix rouge et des Banques alimentaires.
Ensemble, ils ont d'ailleurs signé un communiqué commun : «Les Chefs d'état demandent aux pauvres de sauter un repas sur deux» et dénoncent sous ce titre la réduction de l'aide européenne aux plus démunis, «2,5 milliards pour 28 états contre 3,5 milliards pour 20 états actuellement», annonçant qu' «à partir de 2014, en France, près de la moitié des 130 millions de repas pourraient ne plus être distribués».
Dans le hall, Pierre et Magalie attendent avec l'un de leurs deux enfants. Il a 47 ans, elle en a 33, l'ado, 13… et un repas sur deux, ils y sont déjà. Presque… Informaticien de formation, Pierre travaillait dans un centre d'appel. Problèmes d'oreille, il a été licencié en 2009. Au RSA, ils vivent à quatre avec 870 € par mois. Pierre rêve de devenir chauffeur de bus. «Mais il n'y a pas d'argent pour la formation me répond-on». Ils sont venus demander un colis d'urgence.
«Le matin, c'est un café sans rien et jusqu'au 15 du mois, on mange aussi à midi. Après, on ne prend plus qu'un seul repas, le soir. Heureusement que le petit a la cantine. Son frère est en famille d'accueil, là il mange à sa faim. C'est de pire en pire» résume-t-il.
Bénévole, Bernard Justin, 67 ans, est là tous les jours. «Même nous, on s'épuise face à cette misère galopante», s'inquiète-t-il. «On trouve de moins en moins de bénévoles», confirme Michèle Gouazé.
Au libre-service, Jacques, 45 ans, abat son boulot vite et bien. Il défait les palettes, empile les conserves, range les rayons. Bénéficiaire pendant ses trois ans de RSA, il le reste en tant que précaire «travailleur pauvre» désormais et aide au Secours depuis un an «parce que ça m'a permis de sortir de l'isolement et je viens juste de reprendre le travail comme ajusteur aéro» explique-t-il, heureux d'être «dans la bascule pour repartir de l'autre côté». Il gagne le SMIC, loue 75 € sa mob pour aller faire les équipes jour et nuit, à une quinzaine de kilomètres de chez lui. Mais ne sait pas si son CDD sera reconduit. Un CDI ? «Je n'y crois même plus».
Pendant deux jours, vendredi et hier, la collecte des restos du cœur s'est tenu à l'entrée de la plupart des moyennes et grandes surfaces. Conserves de viande ou poisson, desserts, produits pour bébé et d'hygiène sont recherchés par les 63000 bénévoles des Restos: cette collecte permet de servir 5 millions de repas de plus et de tenir tout l'été avant la prochaine campagne d'hiver. Cette année, l'association lancée par Coluche a accueilli près d'un million de personnes pour 115 millions de portions, les dons représentent 52% du budget des Restos.
Pierre Challier
© WITT/SIPA
Les associations qui distribuent des repas aux plus démunis vont-elles devoir mettre la clé sous la porte ? Tout dépendra du résultat des négociations qui auront lieu, les 7 et 8 février prochains, lors du Sommet européen consacré au budget de l'Union européenne.
Comment sauver l'aide alimentaire provenant de l'Union européenne ? D'un montant de 500 millions d'euros, cette manne, qui résulte historiquement des surplus alimentaires de la Politique agricole commune (PAC), pourvoit aux besoins du Programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD) : 18 millions d'Européens, dont 4 millions de Français, en bénéficient. Dans notre pays, ce programme permet de distribuer 130 millions de repas par an. Soit un tiers de l'aide alimentaire fournie dans l'Hexagone. Où les demandes ne cessent de croître : de plus en plus de personnes en situation de précarité frappent à la porte des associations. Mais la France n'est pas le seul pays concerné. En Pologne, 80 % de l'aide alimentaire distribuée aux démunis provient du PEAD. Là-bas, comme dans une vingtaine de pays d'Europe, cette aide est vitale.
A ses débuts, ce programme consistait à redistribuer aux plus démunis les surplus de la PAC (viande, lait, céréales...) accumulés dans les greniers de l'Europe. Mais, avec la régulation de la production agricole, les stocks se sont taris, et ce qui était donné jadis en nature a été transformé en ligne budgétaire. Du coup, l'Allemagne a commencé à remettre en cause cette aide, considérant que ce n'était pas à la PAC de lutter contre la précarité. D'autres pays de l'Union européenne (Danemark, Pays-Bas, République tchèque, Royaume-Uni, Suède) partagent cette approche, considérant que l'aide aux plus démunis relève de la responsabilité de chaque Etat membre.
Il y a un an déjà, les quatre grandes associations chargées de la collecte et de la distribution de l'aide alimentaire en France (Fédération des banques alimentaires, Secours populaire, Restos du cour et Croix-Rouge) avaient lancé un cri d'alarme et obtenu un sursis. Mais aujourd'hui, préviennent-elles, « si aucun nouveau programme n'est adopté par les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne (UE), l'aide alimentaire disparaîtra irrémédiablement ». Ce serait la fin du PEAD. Un coup dur pour les associations caritatives dont les stocks dépendent en grande partie de l'aide européenne.
Unies à leur homologue allemand Die Tafeln, ces associations ont rencontré le 10 janvier le président du parlement européen Martin Schultz qui les a assurées de son soutien. D'après un communiqué publié le jour-même par les cinq organisations, celui-ci se serait prononcé pour le vote d'un budget à la hauteur des besoins, « c'est-à-dire au moins équivalent au budget actuel, considérant que l'Europe se doit de rétablir un équilibre social. » Soulignant « une augmentation toujours plus inquiétante du nombre de personnes venant chercher de l'aide, de plus de 10 % par rapport à l'an passé », les associations ont salué cette initiative « claire et courageuse ». Après avoir obtenu le soutien unanime de l'ensemble des groupes parlementaires français, elles espèrent obtenir un vote favorable des chefs d'Etat.
Le président de la République, François Hollande, s'est exprimé aujourd'hui devant le Parlement européen sur le budget 2014-2020. « Un compromis est possible, a-t-il estimé, mais il doit être raisonnable. Et donc il va falloir raisonner ceux qui veulent amputer le budget européen au-delà de ce qu'il est possible d'accepter ». Le président français a aussi jugé que « l'intérêt national est en train de prendre le pas sur l'intérêt européen ». Parviendra-t-il à convaincre la chancelière allemande Angela Merkel ? L'accord de l'Allemagne est absolument décisif pour que l'Europe verse 1 euro par an et par habitant à destination des plus pauvres. C'est le montant estimé par les associations qui appellent l'Union européenne à « se montrer digne de son prix Nobel de la paix ».
Le Conseil de l’Europe publie lundi 28 janvier son premier rapport sur la traite des êtres humains en France.
Travail forcé, non rémunéré ou effectué sous la menace : le phénomène se développe, selon le Conseil de l’Europe. Mais il est très mal pris en compte en France, où il n’existe aucune statistique officielle. « On a le même problème dans d’autres pays, mais il est particulièrement fort en France », déplore Gérald Dunn, du Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains, qui vient de rendre son premier rapport sur la traite des êtres humains en France.
« En l’absence d’un système de statistiques, il est difficile de faire un état des lieux fiable et de prendre les mesures les plus efficaces possible », regrette ce rapport en parlant de la France. Les seules données officielles fournies par les autorités françaises concernent une forme bien particulière de la traite : l’exploitation sexuelle. Il y aurait eu 654 victimes en 2011, essentiellement des femmes. « Mais ce chiffre est difficilement exploitable, notamment car les pouvoirs publics (services sociaux, de polices…) n’ont pas tous les mêmes critères pour identifier les victimes », souligne Gérald Dunn. Selon les ONG, ces personnes appartiennent à des réseaux de prostitution et sont essentiellement en provenance d’Europe de l’Est, d’Afrique subsaharienne (en particulier du Nigéria), du Brésil, du Maghreb et de Chine.
Autre sujet d’inquiétude pour le Conseil de l’Europe : la recrudescence d’enfants parmi les victimes de la traite. Souvent d’origine rom, ils sont contraints à la mendicité et aux vols forcés. « En France, on met l’accent sur la répression alors qu’il s’agit d’abord de victimes, explique Gérald Dunn. Il n’est effectivement pas aisé d’identifier une victime, car elle est souvent manipulée, elle se tait par peur des représailles… »
Sans proposer de solutions clé en main, le rapport cite quelques initiatives positives. La ville de Paris, par exemple, a recruté en 2011 des éducateurs roumanophones. De plus, des associations subventionnées accueillent, dans leurs centres d’hébergement, des victimes adultes souhaitant s’éloigner géographiquement des réseaux qui les oppriment. « Une autre piste est de développer la protection des victimes et des témoins en justice pour qu’ils puissent se faire connaître et être pris en charge. »
FLORE THOMASSET
Publié le mercredi 23 janvier 2013 à 09H49 - Vu 775 fois
Gabriel a passé cinq nuits de galère à essayer de trouver le sommeil sous une rampe de skate-board, dans le froid et en plein vent, à peine réchauffé par une couverture
Troyes - Gabriel, 22 ans, a passé les fêtes de Noël dans la rue, faute de places d'hébergement d'urgence. Il dénonce la langue de bois des politiques
21 décembre 2012 : Gabriel, 22 ans, passe sa première nuit dehors. Une dispute avec sa compagne l'a contraint à quitter le domicile conjugal. Il ne sera plus autorisé à y retourner.
Ce même soir, ses propres parents, divorcés, refusent de lui offrir le gîte. Il n'a plus connu de foyer familial chaleureux depuis ses 13 ans. L'âge auquel il s'est vu placer en foyer
d'accueil.
Mais ce soir-là, ce fameux soir du 21 décembre, de foyer, il n'en trouvera pas. Ni même d'un quelconque toit.
Las, il tente le tout pour le tout et compose le 115, « gratuit depuis une cabine téléphonique » pour éventuellement trouver une place en hébergement d'urgence. Une réponse négative plus tard,
l'éventualité se mue alors en impossibilité pure et simple. Il rejoint alors la gare de Troyes et attend la maraude. Mais il n'est pas seul. D'autres compagnons d'infortune attendent patiemment
le camion rouge qui viendra les délivrer du froid et de la faim avec une couverture et un bol de soupe.
Plus d'amis dans la rue qu'au quartier
Jusqu'au 26 décembre, il passe donc ses nuits, à défaut de dormir, recroquevillé sous une rampe de skate-board dans l'ancienne halle SNCF, face aux voies ferrées, juste derrière la Maison des
associations. Symbole tragique ! Avec Didier, son « pote de galère », qu'il ne quittera plus depuis lors. Couchés de 2 h à 6 h, les deux hommes ne parviennent à trouver le sommeil que quelques
minutes par nuit. Dérangés sans cesse par les klaxons, les cris et les bruits alentour.
À peine réchauffés par leur solide amitié naissante. « Je me suis fait plus d'amis dans la rue en quelques jours qu'au quartier des Chartreux en plusieurs années », résume le jeune homme.
Père d'une petite fille de cinq mois prénommée Maëlle, Gabriel redouble de volonté et de motivation pour s'en sortir. Logé au Foyer aubois sancéen depuis une semaine, il travaille à l'atelier
tous les matins pour 2 €/h. Épicurien, Gabriel sait désormais qu'un doux quotidien peut se payer cher, très cher.
Et profite donc de chaque minute qui passe. « Je peux boire un verre d'eau dès que j'en ai envie », explique-t-il, ému.
« Ils me dégoûtent »
Pendant ses journées d'errance, Gabriel poussait la porte, chaque matin, de l'accueil de jour de la Croix-Rouge. Il y croisait nombre de bénévoles mais aussi des représentants de l'État. Dont
les discours l'ont quelque peu choqué. « Ces gens-là, je ne les ai jamais vus dans la rue, ils ne connaissent rien et se permettent de dire que personne ne dort dehors. Ils me dégoûtent et ne
savent absolument pas de quoi ils parlent », s'emporte le jeune homme.
Inscrit dans plusieurs agences d'intérim, Gabriel pousse leurs portes deux fois par semaine, bien déterminé à s'en sortir. « Je veux montrer le bon exemple à ma fille et lui prouver que tout le
monde peut s'offrir un bel avenir. La rue n'est pas une fatalité », conclut-il, ragaillardi.
Albane WURTZ
Lutte contre l'exclusionPublié le mercredi 23 janvier 2013
Au lendemain de la présentation par le Premier ministre, le 21 janvier, du "plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale" (voir notre article ci-contre du 22 janvier 2013),
les réactions n'ont pas tardé à de manifester. Sur le principe et le contenu général du plan, la tonalité générale est nettement à la satisfaction, notamment parmi les grandes associations
"institutionnelles".
Le Secours catholique se dit ainsi "globalement satisfait que les mesures proposées lors de la conférence de lutte contre la pauvreté des 10 et 11 décembre soient reprises dans le plan
quinquennal" et "se réjouit [...] de la démarche de concertation mise en place pour élaborer ce plan". L'association voit également un signe encourageant dans "le refus affiché de stigmatiser
les personnes en précarité comme des personnes assistées".
De son côté, ATD Quart Monde "salue les avancées de ce plan de lutte contre l'exclusion qui mobilise de nombreux ministères et les partenaires sociaux" et "note avec une grande satisfaction
que le gouvernement a entendu les espoirs mis par les familles dans les institutions éducatives, écoles ou crèches, pour que leurs enfants ne subissent pas la même vie qu'eux".
Pour Julien Lauprêtre, président du Secours populaire, "voir qu'au plus haut niveau de l'Etat, le problème de la pauvreté est considéré comme un souci principal ne peut que satisfaire [...]".
Dans une interview au JDD en ligne, Bruno Grouès, animateur du collectif Alerte qui regroupe une trentaine d'associations, estime que le plan constitue "un progrès" et "une avancée
significative". L'ensemble des associations apprécient également la désignation de François Chérèque - ancien travailleur social et qui fut président de la fédération santé-social de la CFDT
- pour assurer le suivi et l'évaluation du plan.
Mais les réactions se font plus nettement plus réservées lorsque l'on entre dans le détail du plan et, plus particulièrement, de son financement. ATD Quart Monde regrette ainsi que "les
modalités indiquées dans le plan ne permettent pas de comprendre concrètement les moyens mis en place pour une véritable efficacité". Le Secours catholique déplore lui aussi qu'"il manque
souvent la traduction financière dédiée", tandis que le Secours populaire se désole de "l'absence totale, dans les mesures annoncées, du drame de la faim qui gagne du terrain dans notre
pays". De son côté, la Fnars (Fédération nationale des associations de réinsertion sociale) qualifie de "mesurette" la mise en place de la "garantie jeunes" et regrette l'absence de chiffrage
de nombreuses mesures. Intervenant plus spécialement dans le secteur de l'hébergement, la Fnars s'inquiète aussi de l'absence d'engagement sur les places d'hébergement au-delà des 9.000
créations prévues pour 2013.
Les regrets des associations portent également sur l'absence d'une loi de programmation, réclamée la semaine dernière par le collectif Alerte (voir notre article ci-contre du 17 janvier
2013). L'animateur du collectif renouvelle d'ailleurs sa demande d'une loi de programmation - "comme cela avait été fait au moment du plan Borloo en 2005" - et compte bien la faire entendre
"auprès du chef de l'Etat, qui sera présent au congrès de l'Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux), le 25 février à
Lille".
Pour leur part, les associations de précaires (Mouvement national des chômeurs et précaires, Droit au logement, Agir contre le chômage...) avaient en quelque sorte réagi par avance, en
occupant, la veille de la réunion du comité interministériel de lutte contre les exclusions (Cile) et des annonces du Premier ministre, les locaux du ministère délégué chargé de la Lutte
contre l'exclusion. Les manifestants entendaient protester contre le manque de concertation dans la préparation du plan. Ils ont répandu des miettes de pain dans les couloirs du ministère
pour - selon Jean-Baptiste Eyraud, le porte-parole du DAL - "dire que des miettes, on n'en veut pas ; on veut de vraies mesures". L'occasion de s'inspirer de la démarche qui a si bien réussi
aux jeunes entrepreneurs d'internet, en lançant un nouveau mouvement : "Les miettes, c'est pour les pigeons !".
Déception également du côté de certaines catégories de publics en difficulté. Ainsi, l'APF (Association des paralysés de France) "tient à exprimer sa colère et sa déception" en constatant les
"miettes octroyées aux personnes en situation de handicap, les oubliées du plan anti-pauvreté" (en l'occurrence, les deux millions de personnes handicapées vivant sous le seuil de pauvreté).
Du côté des politiques, Laurent Wauquiez, vice-président de l'UMP, a estimé que le plan "privilégie l'assistanat", notamment "en élargissant les conditions d'accès au RSA pour les jeunes". Le
député de la Haute-Loire - qui avait déjà lancé une polémique nationale sur le RSA en mai 2011 - a affirmé qu'"en élargissant les conditions d'accès au RSA pour les jeunes, le gouvernement
prend le risque de donner comme message à toute une génération que leur seul espoir, c'est l'assistanat". De son côté, le Parti socialiste se félicite d'"une feuille de route ambitieuse et
globale" et estime que "dans une période de désendettement et de contrôle de nos dépenses publiques, ce plan de 2,5 milliards d'euros montre que la lutte déterminée contre la précarité et la
pauvreté est une priorité forte du gouvernement".
Enfin, c'est - pour l'instant - le silence du côté des associations de collectivités, pourtant concernées au premier chef par la lutte contre l'exclusion. L'Assemblée des départements de
France (ADF) ne s'est pas encore officiellement prononcée sur le sujet et l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (Unccas) se contente de mettre le plan en ligne sur son
site, sans y apporter de commentaire.
Jean-Noël Escudié / PCA
Selon une étude menée par l'Unicef dans 35 pays développés et publiée mardi, 10,1% des enfants se trouvent actuellement en situation de privation en France. Un taux moindre qu'il y a 20 ans, mais qui reste l'un des plus élevés, situant le pays à la 18e place du classement.
Triste bilan pour la France. Elle est le seul pays d'Europe, avec l'Italie (13,3%), à avoir plus de 10% d'enfants en situation de privation, c'est à dire n'ayant pas accès à au moins deux des 14
éléments définis comme essentiels par l'Unicef (trois repas par jour, un logement décent...). C'est ce que révèle le dernier bilan
"Innocenti" mené dans les 35 pays les plus riches de la planète et publié mardi par l'organisation onusienne pour l'enfance, dont la précédente étude, datée de la fin des années
1990, évaluait ce taux à 12% pour la France.
Une maigre progression selon Fabienne Quiriau, présidente de la commision pour l'enfance de l'Unicef, qui estime qu'aujourd'hui plus de 2 millions d'enfants français vivent sous
le seuil de pauvreté, c'est-à-dire dans un foyer qui touche moins de 60% du revenu médian. "Le nombre d'enfants pauvres a trop peu baissé en vingt ans, estime-t-elle. Ce n'est pas normal qu'un
pays qui consacre autant de moyens à la famille soit aussi inefficace dans la lutte contre la pauvreté des enfants".
Quotient familial, allocations familiales, aides à la
rentrée scolaire, bourses : les politiques publiques en faveur de l'enfance ne manquent pourtant pas en France. En 2009, dans un
rapport sur la politique de l'enfant, l'OCDE avait même sacré le pays "troisième pays le plus
généreux envers les enfants" montrant qu'elle consacrait 32 200 euros par enfant âgé de moins de 6 ans, alors que la moyenne de l’OCDE s’établissait autour de 19 600 euros. Mais déjà,
l'institution fustigeait le fait que malgré des dépenses élevées, les résultats français étaient à la traîne par rapport aux pays voisins, particulièrement dans l’éducation.
"L'école est le reflet le plus cruel de la pauvreté chez les enfants, souligne Fabienne Quiriau. C'est dans l'éducation en effet que l'on se rend compte que les différentes politiques publiques
menées jusqu'ici pour lutter contre la pauvreté ont eu très peu d'impact sur les effets réels de la pauvreté, qui plonge des milliers d'enfants dans l'échec scolaire. Une vraie prise en charge de
ces enfants devrait passer, comme dans les pays du Nord de l'Europe, par un meilleur suivi pédagogique avant tout". En atttendant, le nouveau gouvernement prévoit d'augmenter encore les dépenses,
en réhaussant de 25% l'allocation de rentrée scolaire.
Les effets de la pauvreté des enfants s'observent aussi dans leurs conditions de logement (plus de 20 000 enfants seraient mal logés en France aujourd'hui selon l'Unicef) et dans
leur accès à la santé, selon que les parents
disposent ou non d'une mutuelle complémentaire. "Là encore, l'Etat passe à côté d'un moyen efficace pour lutter contre cette privation, en laissant les médecines
scolaires et les visites médicales disparaître des écoles primaires, analyse Fabienne Quiriau."
L'Unicef a appelé les politiques français à l'occasion des élections présidentielle et législatives à prendre des dispositions pour faire baisser la pauvreté des enfants dans le pays. Pour l'organisation de l'ONU, il est indispensable de préserver le milieu associatif, considéré comme l'un des meilleurs outils. "Ce sont les associations caritatives qui pour l'instant luttent le mieux contre la pauvreté des enfants et font en sorte qu'aujourd'hui, aucun ne meure de faim, assure la présidente. Mais à l'échelle locale, là encore, nous observons que les collectivités territoriales leur octroient de moins en moins d'aide et nous sommes très inquiets".
ONG Zied Ounissi
Le 07.12.2012 à 18:23
En matière de lutte contre l’exclusion et la pauvreté des enfants, la France est dans une situation relativement paradoxale. Malgré une forte dépense pour la protection de l’enfance, la France compte un nombre, sans cesse plus croissant, d’enfants pauvres. A cet égard, les chiffres sont d’ailleurs accablants pour la cinquième puissance mondiale. Selon un rapport de l’ancienne défenseure des enfants, Dominique Versini, et de l’ONG ATD Quart Monde, qui sera remis lundi au gouvernement, la pauvreté aurait touché 350.000 enfants supplémentaires depuis 2008. En France, un pauvre sur trois est un enfant.
En mai dernier, un rapport de l’UNICEF sur la pauvreté des enfants dans les pays riches avait déjà jeté un coup de projeteur sur la situation. Sur 34 pays « riches », passés à la loupe par l’UNICEF, la France n’occupe que la 14e position, derrière l’Espagne, l’Irlande ou la Suède. Avec 19.5% d’enfants vivant sous le seuil de pauvreté (c’est-à-dire issus de ménages dont le revenu est inférieur à 964€ après versement des allocations familiales), la France compte 2.7 millions d’enfants pauvres, sur un total de 8.6 millions. A titre de comparaison, l’Islande, pourtant elle-même très durement frappée par la crise, ne compte que 0.9% d’enfants pauvres. Preuve en est que la crise ne peut suffire à expliquer la situation.
Comment résorber cette situation ? Bruno Tardieu, délégué national ATD Quart, insiste sur la nécessité de rester mesuré sur la critique du système de protection sociale : « La CMU (Couverture Maladie Universelle) a permis à beaucoup de personnes de résister à la crise. Il n’en demeure pas moins qu’il est devenu totalement impératif de donner aux familles très pauvres un véritable plancher de sécurité afin d’éviter qu’elles plongent dans la survie. C’est pourquoi, nous demandons une réévaluation immédiate de 15% du RSA et son indexation sur l’inflation des prix et la croissance ».
L’autre recommandation du rapport porte sur la « transformation du quotient familial, qui est une sorte de niche fiscale, qui fait perdre 13 milliards d’euros à l’Etat, en crédit d’impôt ». L'ancienne défenseure des enfants, Dominique Versini, défend « une mesure de justice qui ferait sortir 500.000 enfants du seuil de pauvreté, sans que cela ne coûte quoi que ce soit de plus à l’Etat ». « Avec le système actuel 20% des familles les plus riches bénéficie des 2/3 des 13 milliards du quotient familial. Aujourd’hui une famille, avec deux enfants, dont les parents touchent, à eux, deux le SMIC, bénéficie d’un avantage de 279€ par an et par enfant, tandis qu’une famille équivalente, mais dont les parents gagnent, à eux deux, six fois le SMIC ont un avantage de 2.000 € par an et par enfant. Objectivement, quelque chose ne va pas. Nous proposons donc de remplacer le système du quotient familial par un crédit d’impôt universel de 715€ par an et par enfant ».
Enfin, parmi les autres mesures sur laquelle insiste le délégué national ATD Quart, Bruno Tardieu, il y a le changement de regard de la société sur les pauvres. « Aujourd’hui les discriminations envers les pauvres ont atteint un tel degré que nous n’en sommes plus à nous battre contre les inégalités, dont ceux-ci sont les victimes, mais contre les discriminations dont ils font l’objet. Aujourd’hui 68% des gens qui pourraient bénéficier du RSA ne le réclament pas. La stigmatisation des pauvres ne fait qu’empirer année, après année. Nous demandons donc à ce que la discrimination sociale soit reconnue, comme toutes les autres formes de stigmatisation et que soient menées des grandes campagnes de sensibilisation. »
Une chose est sûre, il y a urgence à agir. L’exécutif l’a bien compris. C’est pourquoi, il s’apprête à entamer, à partir de la semaine prochaine, une séquence nouvelle consacrée à la solidarité. Une conférence sur « la grande pauvreté » aura lieu mardi prochain.
Plusieurs annonces devraient en découler – une réévaluation du RSA, d’ores et déjà réclamée par la ministre de déléguée à la lutte contre l’exclusion, Marie-Arlette Carlotti, pourrait en faire partie… Toujours est-il qu’à l’approche de cette manifestation, plusieurs associations, dont l’ONG ATD Quart Monde, ont décidé d’alerter le gouvernement sur l’explosion de la précarité et de la pauvreté. C’est désormais chose faite.